Objectif
Du fait du caractère insidieux et de l’hétérogénéité des symptômes, le retard au diagnostic des spondyloarthrites, rhumatismes inflammatoires chroniques est estimé à environ 7 ans. Les critères de diagnostic actuels basés sur des données cliniques, biologiques et d’imagerie correspondent à des marqueurs tardifs ayant un apport mineur dans le diagnostic précoce de ces pathologies. Avec l'avènement des nouvelles stratégies thérapeutiques, l’identification précoce des patients est alors primordiale afin de proposer la prise en charge thérapeutique la plus adaptée à chaque patient.
De façon intéressante, une diminution de la densité minérale osseuse (DMO) chez le jeune adulte a été démontrée comme étant un marqueur précoce prédictif des différentes formes de spondylarthrites (Forien M., 201; Akgöl G., 2014; Malochet-Guinamand S., 2017). Outre l’examen spécifique de densitométrie, l’évaluation de la DMO peut également être réalisée de façon opportuniste et tout aussi précise à partir de scanners (Engelke K., 2015; Brunnquell C., 2021).
Dans ce contexte, nous avons développé des réseaux de neurones convolutifs (CNN) pour une estimation automatisée de la DMO sur l’ensemble des vertèbres, de la hanche et du fémur à partir de scanners afin d’alerter le praticien d’une forte suspicion de spondyloarthrites et d'accompagner un diagnostic bien plus précoce.
Patients et Méthodes
Ces travaux utilisent une base de données publiques composées de 1204 CT scanners. Cette base a été nettoyée, caractérisée et pré-traitée pour obtenir un jeu de 630 CT de rachis et/ou de pelvis. La base de données a été séparée en un jeu d’entraînement, de validation et de test (respectivement 64%, 16% et 20%).
Compte tenu des sites de prédilection de la pathologie, nous nous sommes particulièrement intéressés aux vertèbres : T1-T12, L1-L5, aux hanches, au fémur et au sacrum. Pour chaque scanner, nous disposons des masques de segmentation pour l’ensemble de ces sites soit 29 annotations par image. A l’aide de ces annotations, nous avons entraîné un premier réseau de neurones convolutionnels pour prédire la segmentation des vertèbres, des hanches, du fémur et du sacrum. Le score Dice est utilisé comme métrique d’évaluation des performances de notre réseau pour la segmentation.
La radiodensité en Hounsfield Units (HU) de chaque os segmenté a été mesurée et la DMO a été ainsi estimée sur le set de test de la base de données.
Afin d’optimiser les performances des algorithmes, différentes techniques d'apprentissage par transfert, de fonctions d'augmentation des données (rotation, inversion par symétrie, bruitage) et une recherche de la meilleure architecture ont été mises en place.
Résultats
Pour chaque région, nous avons estimé le score Dice et nous avons comparé la valeur réelle de la DMO calculée sur le masque d’origine, et la valeur estimée à l’aide des segmentations prédites.
Nous avons obtenu:
-pour les vertèbres T1-T12 : un score DICE de 0.94± 0.09 et une différence de DMO 2.67± 12.65 HU pour les vertèbres T1-T12.
-pour les vertèbres L1-L5 : un score DICE 0.96± 0.04 et une différence de DMO 0.94± 9.68 HU pour les vertèbres L1-L5.
-pour le fémur, les hanches et le sacrum : un score DICE 0.97± 0.04 et une différence de DMO 9.91± 65.67 HU pour le fémur, les hanches et le sacrum.
Conclusion
L’algorithme a démontré de louables performances qu’il faudra valider sur des bases de données externes issues de centres experts en spondyloarthrites afin d’être en adéquation avec une future utilisation clinique. Le parcours de soin classique des patients spondyloarthritiques en errance diagnostic étant ponctué d’examens de scanners du rachis et/ou du pelvis, la mesure opportuniste de la DMO sur des scanners chez des jeunes adultes apparaît donc comme une innovation diagnostique majeure.